PRINTEMPS CHR TIEN Il devait tre pr s de la onzi me heure lorsque les voyageurs, apr s avoir descendu une forte pente, au flanc d'une colline bois e, se trouv rent tout coup en face d'une rivi re. En ces premiers jours de mai, la lumi re se prolonge tr s tard. Derri re les parasols des pins, cribl s de rayons aigus et vifs comme des aiguilles de cristal, l'orbe blouissant du soleil s'inclinait peine vers les c nes violets des montagnes. Sans m me la pr sence des deux l gionnaires cheval, qui pr c daient le convoi, le nombre des serviteurs, la nettet de leur accoutrement, et la bonne apparence des b tes de somme eussent annonc tout de suite le cort ge d'un personnage important. Le jeune soldat brun, qui marchait en t te, arr ta brusquement sa monture devant la t te du pont en dos d' ne, dont l'arche unique tait rompue. Les pluies printani res avaient fait d border la rivi re torrentueuse et emport une des piles. Cependant, en bien des places, le lit caillouteux tait sec. Au milieu, par une sorte de chenal profond ment ravin , une masse d'eau cumeuse et jaun tre pr cipitait son cours in gal, en rebondissant contre des obstacles invisibles et en roulant des paquets d'herbes et de branchages. Alors, un des muletiers se d tacha de la colonne, retroussa vivement autour de ses reins sa longue blouse de toile jaune ray e de blanc, et, s'appuyant sur un b ton ferr , il s'appr ta descendre dans le lit de la rivi re, pour voir si les chevaux et les mulets pouvaient passer: ceux-ci, stupides, se seraient laiss entra ner par le courant et noyer infailliblement, sans essayer m me de se sauver. On jeta au muletier une longue corde, qu'il noua sa ceinture, afin qu'on p t le retenir si, par hasard, le courant l'emportait.