Extrait: ...cinq heures d'un calme bienfaisant, je me reveillai le premier. Le soleil brillait deja de tous ses feux. Les rayons percaient joyeusement les rideaux et se jouaient en reflets dores sur les riches tapis, les etoffes soyeuses. Ce reveil enchanteur, colore, poetique, apres une nuit immonde, me rendait a moi-meme; il me semblait que j'echappais a un cauchemar affreux, et j'avais pres de moi, dans mes bras sous ma main, un sein doucement agite, sein de lys et de roses, si jeune, si frele et si pur, qu'a l'effleurer seulement du bout des levres, on eut pu craindre de le fletrir. O la delicieuse creature Fanny dans les bras du sommeil, demi-nue, sur un lit a l'orientale realisait tout l'ideal des plus beaux reves. Sa tete reposait, gracieusement penchee sur un bras arrondi, son profil se dessinait suave et pur comme un dessin de Raphael; son corps dans chacune de ses parties, comme dans son ensemble, etait d'une beaute prestigieuse. C'etait une volupte bien grande de savourer a loisir la vue de tant de charmes, et c'etait pitie aussi de songer que, vierge depuis quinze printemps, une seule nuit avait suffi pour les fletrir. Fraicheur, grace jeunesse, la main de l'orgie avait tout sali, tout souille, tout plonge dans l'ordure et la fange. Cette ame, si naive et si tendre cette ame, jusque la, si doucement bercee par la main des Anges, livree desormais aux demons impurs; plus d'illusions, plus de reve, point de premier amour, point de douces surprises; toute une vie poetique de jeune fille a jamais perdue Elle s'eveilla, la pauvre enfant, presque riante Elle croyait retrouver son matin accoutume. Ses doux pensers, son innocence; helas Elle me vit. Ce n'etait plus son lit, ce n'etait plus sa chambre. Oh sa douleur faisait mal. Les pleurs l'etouffaient. Je la contemplais emu, honteux de moi-meme. Je la tenais serree dans mes bras. Chacune de ses larmes, je la buvais avec ivresse. Les sens ne...